Franck Linol est auteur de polars mais pas seulement ! Il cultive l’art de l’intrigue dans ses apéros polar, ses Cluedo. Le Limousin, sa région, personnage de ses intrigues, se retrouve dans nombre de ses ouvrages.

Avant de lire un de ses polars, j’ai découvert Franck au travers de son livre documentaire :  Le dernier Tram sur Oradour-sur-Glane, l’histoire de Camille Senon.

 

Il m’a ensuite conseillé, de lire Matin de Cendre, procès d’Oradour et enquête policière. Au-delà de l’intrigue, et du personnage de l’inspecteur Dumontel qui m’a séduite, c’est le questionnement sur le Monde, l’Histoire, l’avenir qui m’a interpellée.

Je continue la série Meurtres en Limousin* ! Mais contrairement à mes habitudes, je ne lis pas ses polars dans l’ordre chronologique. Son dernier roman Quitter ce monde  dont voici la couverture en exclusivité, paraîtra en 2021, patience ! Chaque roman a sa propre histoire et sa symbolique. Franck Linol : le Limousin au cœur du polar.

 

Le Limousin et le polar

 Le Limousin est davantage qu’un décor, c’est un vrai personnage dans ses romans.

Ce sont les paysages qui t’inspirent ?

« Oui, le Limousin, Limoges sont des personnages. C’est d’abord un décor (qui peut être glauque en hiver par exemple, donc propice pour installer des intrigues). Ensuite il y a l’Histoire (un personnage a sa propre histoire) : le Limousin terre de résistance. Et enfin j’aime ma région et ma ville. On juge mon travail très réaliste (toponymie des lieux, … Les bars et les restos cités dans les romans existent…).

Je trouve intéressant de confronter dans un roman l’hyper-réalisme et la fiction. Au-delà, je pense que le régionalisme est une composante de la littérature (Mauriac : les Landes et Bordeaux, Maupassant et Flaubert : la Normandie, Harrison : le Montana, Mankell et la Scanie, …). Mais il ne s’agit pas de rester enclavé dans une région, mais au contraire de tendre vers l’universel. »

 

L’histoire d’une passion au cœur du Limousin

Certains disent que cela leur est venu tout petit …. – Et toi ?

« Enfant j’adorais improviser des histoires (orales) et de les mettre en scène avec des animaux en peluche que je manipulais comme des marionnettes. J’organisais de petits spectacles pour des enfants de mon âge. Le travail du romancier est de raconter des histoires qui décrivent la société dans laquelle on vit et qui explorent les multiples facettes de nous, les Hommes. Créer des personnages, un décor, un univers, une intrigue, mais inscrits dans une réalité sociale, topographique, … »

« Un roman, c’est un miroir qu’on promène au bord de la route », écrivait Stendhal.

 

– Pourquoi le Polar ?

« Le polar est un genre littéraire qui se fonde sur la trilogie : victime, criminel et enquêteur. Le polar est d’abord un roman social et surtout un roman populaire. Il permet d’explorer les palettes des émotions humaines (colère, vengeance, violence, désespoir, …). Le polar comme miroir de la société ? C’est une littérature qui cherche à comprendre le monde réel. Et c’est aussi une littérature dans laquelle la mort rôde…Un polar sans cadavre ça n’existe pas. Le crime : l’instant où l’âme bascule… » 

Quels sont les personnages de polars qui t’inspirent ?

« Mon maitre, celui qui m’a donné envie de me lancer dans l’écriture est l’écrivain suédois aujourd’hui disparu, Henning Mankell. Son personnage récurrent, Kurt Wallander, est le cousin éloigné de Dumontel, le personnage de ma série. Wallander est nordique, Dumontel est latin… »

 

L’inspecteur Dumontel, intrigues dans le Limousin

Tu as créé un personnage, l’inspecteur Dumontel, que nous suivons au fil des romans. Il est attachant, cultivé, perspicace, humain, courageux. Il continue son chemin quoiqu’il arrive. Il ne se décourage pas.

– Cette force de caractère est-elle propre à son auteur ?

« C’est une bonne analyse de Dumontel. Mais il faudrait ajouter que c’est un type inquiet, angoissé, solitaire, fragile mentalement, sans illusion sur son avenir…qui se bat contre ses démons. C’est un homme authentique, proche de nous. Anti-héros…Quant aux relations entre l’auteur et ses personnages, elles sont réelles (« Mme Bovary, c’est moi » …).

La matière de l’écrivain c’est la vie : la sienne et celle de ses contemporains. Mais je peux aussi dire : « Dumontel ce n’est pas moi ». Dumontel est aussi un personnage autonome, qui échappe à son créateur. »

– Comme cette passion, l’œnologie ?

« Bon exemple ! Oui, ma passion pour le vin, je l’ai transmise à Dumontel… »

– Et toi, tu es davantage Chardonnay ? ou Saint Emilion comme un Clos de Jacobins ?

« Pour le blanc, oui, chardonnay, celui de Bourgogne ou celui du Languedoc lorsqu’il est bien fait. Mais j’aime aussi le Chenin ou le Viognier…En rouge, oui, un Pomerol ou un St Emilion (les vins de mon ami JF Janoueix, Château Haut Sarpe par exemple). Mais j’aime beaucoup les vins du sud, à base de Syrah. ( Languedoc/Roussillon).Mais l’univers du vin est gigantesque ! Je suis surtout curieux et j’aime découvrir de bons vins peu connus. »

On revient souvent à l’Hydropathe, en avais-tu fait ton repère ?

« A l’époque, oui, c’était mon QG. Avec d’autres écrivains (Nivard, Bouysse, Viguié, Vacher…) nous nous y retrouvions une fois par semaine pour boire un verre et échanger sur la littérature. Mais l’Hydropathe n’existe plus aujourd’hui. »

– Dumontel spécialiste d’art. Il y a beaucoup de références d’art dans tes romans. Est-ce une de tes passions ? Dessines-tu ?

« Ma mère, Yvette Linol (92 ans) est une artiste peintre et émailleur reconnue. La mère de Dumontel est …peintre. Mais le père de Kurt Wallander (Mankel) est peintre, aussi…Je m’intéresse à l’art, oui, mais je ne dessine pas et ne peins pas non plus. »

 

Les personnages des polars

« Créer des personnages de fiction est fantastique ! Quel pouvoir que celui de l’écrivain qui met au monde des Êtres !

Et qui ensuite a droit de vie ou de mort sur eux. Le métier du romancier est de faire vivre des personnages, qu’ils soient crédibles.  « L’écriture crée un lien intime et étrange où dans le corps de l’écrit naît la créature, en tant que présence fantomatique, monstrueuse, hybride, ni totalement autobiographique et vraie, ni complètement imaginaire et inventée ».

Il arrive que je m’inspire de personnes que j’ai pu croiser… Bien entendu, je dois mettre une distance avec le personnage de fiction. Mais il arrive que la personne se reconnaisse… Et pour elle c’est gratifiant.

Devenir un personnage de roman… toucher à l’éternité. Il arrive aussi que des lecteurs « s’amusent » à chercher qui est qui. C’est absurde. Et ils se trompent à chaque fois. »

 

Un ouvrage a été consacré à Dumontel : Sur les pas de l’inspecteur Dumontel *

On y retrouve tous les personnages : l’inspecteur Dumontel, le commissaire Mangeard, le légiste Cartinaud, l’adjoint Marval, David, des femmes qui passent au fil des romans, et le Limousin personnage à part entière. Un ouvrage fort intéressant. Cela m’a appris à quel point les gens suivaient les pas de Dumontel.

– As-tu participé à cet ouvrage ?

« J’ai activement participé car je ne voulais pas que l’on trahisse « mon » personnage. J’ai supervisé l’ouvrage dans les moindres détails. Et j’ai surtout donné beaucoup d’infos pour la partie rédaction. Cela dit, officiellement je ne suis pas auteur (Il y en a trois, dont Hélène Delarbre qui a fait de très bonnes photos) … »

 

Un dernier personnage et pas des moindres : l’Histoire

L’Histoire de notre Limousin, la guerre, les disparitions… L’enquête de l’inspecteur Dumontel part de l’histoire du Limousin.

Dans Quitter ce monde, Dumontel après de nombreuses épreuves reprend ses enquêtes. Dumontel vient d’échapper à la mort. Mais il n’est plus le même homme : douleurs, cauchemars, fatigue, stress post-traumatique. Dans cette nouvelle enquête, il est confronté à un crime horrible commis sur un vieil homme. C’est à ce moment-là qu’il est contacté par une femme qui le sollicite pour enquêter sur une affaire très ancienne, un cold case… La disparition en 1938 d’une femme exceptionnelle : suffragette, comédienne, journaliste détenant le record du monde de saut en parachute féminin !

Dans le contexte de l’arrivée des espions nazis sur le sol français, la disparition de Line Paulet entre étrangement en résonance avec l’enquête liée au meurtre du vieillard.

 

L’histoire au cœur de l’histoire en Limousin

 Matin de cendre : Je ne sais comment décrire mes sentiments, mes ressentis à la lecture : cela m’a troublée. Ce roman m’a ramenée à la réalité : une réalité plus noire sur les mouvements néofascistes toujours présents.

La trame : Histoire de Clémence (Camille Senon), dont la famille vit à Oradour-sur-Glane, échappe au massacre du 10 juin 1944. En 2019, Dumontel est chargé d’enquêter sur l’identification de sept anciens SS encore en vie. Dans ce roman il rencontre Lily, un personnage que l’on retrouvera ensuite.

– Qu’est-ce qui t’as poussé à écrire ce roman ?

« Pour être honnête c’est mon éditeur qui, deux ans auparavant, m’avait demandé d’écrire un roman prenant pour univers « Oradour ». Je lui avais répondu : « on ne touche pas à Oradour ». Puis il y a eu ce procureur de Dortmund qui après avoir décidé de poursuivre pour « meurtre » six anciens SS (présents le 10 juin 1944 à Oradour) envisage d’ouvrir un « vrai » procès en Allemagne.

Pour constituer le dossier d’accusation le procureur envoie des policiers allemands à Limoges et à Oradour. Ces derniers vont enquêter…C’est cet événement qui m’a donné la clé pour écrire « Matin de cendre ». De la réalité à la fiction. »

– L’émergence de l’extrême droite ?

« Matin de cendre est un thriller politique. L’extrême droite est puissante en Europe. Elle accède au pouvoir dans de nombreux pays. On peut imaginer que, dans ce contexte, un procès en Allemagne sur le massacre d’Oradour (en réalité ce procès n’aura jamais lieu…) puisse gêner les groupuscules les plus radicaux (néonazis). J’ai voulu au travers de ce roman montrer la filiation idéologique entre le fascisme des années 30/40 et celui du XXI siècle. »

– Qui représente Lily ?

« Lily est en fuite avec ses enfants. Elle est née en Allemagne…Ce personnage fait écho à Clémence qui pourrait être sa grand-mère. Ces deux femmes ont des points communs : elles n’abdiquent pas, ne renoncent jamais, ont vécu des atrocités, mais Lily est hantée par ce sentiment de culpabilité qui touche les jeunes générations d’Allemagne. « Sommes-nous aussi responsables des horreurs commises par nos grands-parents ? ».

 

Le Dernier Tram : Je disais à Hélène Delarbre (qui a réalisé les photos) : enfin un livre qui raconte l’histoire d’Oradour.

– Comment s’est réalisée la création du livre et ta rencontre avec Camille ?

« C’est lorsque j’ai découvert les photos d’Hélène sur Oradour que j’ai eu l’idée de ce livre : associer les photos et le témoignage de Camille Senon. (L’histoire peu connue de ces voyageurs du tram Limoges-Oradour de ce 10 juin 1944). Bien entendu, j’ai rencontré de nombreuses fois Camille Senon. Ensuite, dans la foulée, je me suis lancé dans l’écriture de Matin de cendre en m’inspirant de la vie de Camille Senon (Clémence dans le roman…).

« Matin de cendre » et « Oradour le dernier tram » sont sortis la même année, 2014. »

– Est-ce que l’on sort indemne de l’écriture de ce genre de livre ?

« L’écriture d’un roman permet une prise de distance…En revanche, lors de cette période d’écriture, j’ai beaucoup appris sur la réalité factuelle du massacre, et aussi sur le fait que l’humanité n’en a jamais fini avec la barbarie…Par la suite il m’est arrivé assez souvent de guider des groupes d’élèves (de jeunes anglais aussi) à Oradour et de commenter ce qu’ils avaient sous les yeux. »

À la rencontre des lecteurs

Les apéros Polars 

« Sur le fond, je considère que l’écrivain ne doit pas rester enfermé dans sa bulle, dans sa tour d’ivoire. Il a AUSSI un rôle de « passeur », de médiateur entre son livre et les lecteurs. Je me suis rendu compte que les lecteurs qui fréquentent les librairies ne sont pas les mêmes que ceux que je vois dans les salons du livre par exemple. D’où l’idée d’aller à la rencontre des lecteurs.

Un apéro polar est un moment convivial de RENCONTRE qui se déroule dans un bar, une médiathèque, etc… Maintenant j’anime cet événement en compagnie de Joël Nivard.

Trois parties : un avant-propos sur mon travail, sur ma conception du polar, avec des lectures d’extraits de mes romans, puis ensuite discussion avec le public et enfin dédicace et apéro !

Avec cet événement on trouve aussi les dédicaces insolites (dans la rue, aux halles, …) et aussi le spectacle « le polar s’écoute, se chante et se déguste ». (Voir à ce sujet la page FB du « Buenavista polar club »).

Bref je suis une sorte d’écrivain saltimbanque ! Il n’y a plus d’apéro polar programmé pour la fin de l’année pour des raisons sanitaires. Beaucoup de dates ont été annulées pour cause COVID… »

Les Cluedo

« Un Cluedo est un jeu policier. Un crime, une scène de crime, des suspects, des équipes (jusqu’à 80 joueurs) et il faut découvrir le coupable. Mais l’originalité est que le jeu se déroule dans une ville ou dans des lieux insolites et que je travaille avec des comédiens de la compagnie Asphodèle qui jouent le rôle des suspects. Les joueurs doivent les interroger…

 

Le Limousin en découverte

Parmi les autres ouvrages de Franck, il y a un livre éducatif : Je découvre le Limousin, illustrations de Luc Turlan.

Mais aussi, un Quizz apéro, L’apéro Jeu du Limousin (une série déclinée par région, Franck a fait celui du Limousin) Avec des jeux de devinettes : qu’est-ce qu’un pétassou, et le babignou ?

 

Merci Franck, après ce confinement on se retrouve à Limoges !

 

 

Franck Linol

 » Photo Journal Info Haute Vienne »

*Meurtres en Limousin :

Tome 1 : La cinquième victime / Tome 2 : Rendez-vous avec le tueur / Tome 3 : La morsure du Silence

Tome 4 : Lune de miel à la morgue / Tome 5 : Le vol de l’ange / Tome 6 : Matin de cendre

Tome 7 : La onzième carcasse / Tome 8 : Yellocake / Tome 9 : Le souffle de la mandragore

Tome 10 : Le crime de la tour K / Tome 11 : dernier rêve avant la mort / Tome 12 : La jeunesse de l’inspecteur Dumontel

Tome 13 : Quitter ce monde / Et La route des mortes (Écrit avec Joël Nivard)

 

**Sur les pas de Dumontel de Laurine Lavieille, Photos d’Hélène Delarbre, illustrations de Lionel Londeix

Retrouvez Franck Linol : https://francklinol.com/

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